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Des Grecs convertis au Judaïsme, ceux qui sont appelés les »craignant-Dieu », cherchent à voir Jésus. La personne de Jésus interpelle. Mais qu’est-ce qui interpelle véritablement ces Grecs ? La personne elle-même ou son message ? Est-ce du fait de la notoriété de Jésus, du fait de ses actes de guérison, du fait de ses controverses avec les pharisiens et les scribes ? Ou bien est-ce le message que proclame Jésus qui, par sa nouveauté et sa radicalité, attire ces Grecs ? Cette question est posée au début du texte biblique que nous avons lu. C’est cette question qui conduit Jésus à parler du devenir du grain de blé. C’est cette question qui nous est posée à nous-mêmes, même aujourd’hui. Sommes-nous sensibles au message de Jésus ou à son charisme particulier ?
Jésus répond avec gravité : « Amen, amen, je vous le dis », et place en avant non pas son charisme d’humain parmi les humains, mais son message, sa parole. Ce que sa personne humaine porte en germe, et que nous célébrons le jour de Noël, annonce bien plus.
Je vous invite maintenant à écouter un texte du pasteur Henri Lindegaard sur ce passage biblique.
Henri Lindegaard. La Bible des contrastes Lyon : Olivétan, 2003.
« Seul, dans sa beauté parfaite, voici un grain de blé, chargé de vie comme un œuf. Seul, avec ses protections et ses écorces, replié sur lui-même, sans ouverture. Tellement seul qu’il ne touche rien, pas même la terre. Ainsi, il peut se conserver longtemps… Mais, en conserve, à quoi sert-il ? Sous lui, la terre, étale, sombre, en attente de vie. Elle peut être sans ronces et sans cailloux ; tant que le grain de blé veut se sauver lui-même, il ne se passe rien.

Il faut que le grain tombe, se laisse couvrir de terre, s’enfonce dans l’obscurité. Ce qui se produit alors est merveilleux : craquent les écorces, craque le terrain, et apparaît la double spirale de la vie. Un double mouvement, vers le haut et vers le bas, vers l’aventure et vers l’approfondissement. Aventure vers le haut : deux feuilles comme deux mains ouvertes pour prier. Approfondissement : des racines qui s’enfoncent dans les couches horizontales. Il faut la louange et la présence au monde. C’est la racine qui alimente la feuille, et c’est la feuille qui permet à la racine de respirer.

Un grain d’amour peut-il se garder lui-même ? Non ! Il tombe à terre, il s’offre. Jésus est entré dans les couches sombres de la violence pour vivre l’amour du Père. Il a voulu être louange et enracinement : une main tendue vers le ciel, une main tendue vers la terre, unissant ciel et terre dans son déchirement. La violence des hommes a cloué ces mains qui bénissaient, qui guérissaient, qui relevaient. Mais elle n’a pas supprimé l’amour. Par ces mains trouées, l’amour crie encore plus fort. Un fruit qui demeure. Pourra-t-on oublier cette mort qui accuse la violence et la condamne ?

D’où viennent ces épis et ce soleil nouveau qui jaillit de la nuit pour éclairer le monde ? Ils viennent d’un seul grain d’amour tombé sur une terre de violence. Il y a urgence maintenant, question de vie ou de mort, ou bien les hommes feront attention au grain d’amour, ou bien ce sera la destruction totale. Pas une gerbe d’épis mais une gerbe de feu ! Chacun doit décider être le grain de blé qui se garde et se regarde beau et solitaire, ou être le grain qui tombe à terre pour donner du fruit. »
Voilà. Aujourd’hui, nous célébrons le grain qui tombe à terre, le grain qui est semé et qui va donner naissance à un double mouvement, vers les profondeurs de la terre et vers le ciel : des racines vont pousser et s’enfoncer dans la terre ; une tige va pousser et sortir de terre, et grandir, grandir avec deux petites feuilles, puis d’autres feuilles, jusqu’à donner une plante.
Tout au long du temps de l’Avent, nous nous sommes mis à l’écoute d’une parole de Dieu qui féconde nos vies et ne retourne pas à Dieu sans effet, d’une graine de moutarde qui nous invite à faire confiance en la puissance de vie de la parole de Dieu, d’une semence semée en tous malgré nos terrains stériles, car Dieu a créé en chacun une bonne terre.
Cette semence, ce grain donné que nous fêtons aujourd’hui, c’est Jésus que Dieu nous envoie dans nos vies. Dieu frappe à notre porte, celle extérieure de notre maison — quand nous recevons l’autre comme un ange, un messager de Dieu — et celle intérieure de notre existence. Si Dieu trouve chez nous, à l’intérieur de nous, une terre pour germer alors Jésus s’ancrera en nous, habitera profondément en nous, et ouvrira nos bras vers Dieu et vers les autres pour toujours plus de vie, pour une vie éternelle. C’est ainsi que Jésus, le Fils de l’homme, est glorifié. Ce n’est pas l’homme Jésus lui-même qui est glorifié, mais ce qu’il devient lorsqu’il meurt et donne du fruit. C’est le Christ ressuscité qui est glorifié, car il vit en nous par son Esprit, il porte du fruit en nous par son Esprit. Ainsi, Noël et Pâques ne sont qu’une seule et même bonne nouvelle.
Jésus dit à ses disciples : « Celui qui tient à sa vie la perd, et celui qui déteste sa vie dans ce monde la gardera pour la vie éternelle. » Nous sommes, nous-mêmes, appelés à mourir pour ce monde et à naître de nouveau dans la résurrection du Christ, dans la vie éternelle. Pour l’apôtre Paul, l’humain ancien est mort avec le Christ sur la croix pour que l’humain nouveau vive avec le Christ ressuscité (Romains 6.6-8).
Oui, le grain de blé qui nous est donné à Noël doit mourir pour que vive véritablement ce qui est éternel et qui ne dépend plus de ce monde mais de Dieu seul. Nous accueillons aujourd’hui ce grain de blé qui porte toute la puissance de renaissance de Dieu pour une vie nouvelle.
Amen.