31 janvier 2021 – L’accompagnement spirituel – Luc 20, v.27-38 – J-L. Massot

Deux textes bibliques :

Actes 8, v.26-39

26 Un ange du Seigneur, s’adressant à Philippe, lui dit: Lève-toi, et va du côté du midi, sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza, celui qui est désert.
27 Il se leva, et partit. Et voici, un Éthiopien, un eunuque, ministre de Candace, reine d’Éthiopie, et surintendant de tous ses trésors, venu à Jérusalem pour adorer,
28 s’en retournait, assis sur son char, et lisait le prophète Ésaïe.
29 L’Esprit dit à Philippe: Avance, et approche-toi de ce char.
30 Philippe accourut, et entendit l’Éthiopien qui lisait le prophète Ésaïe. Il lui dit: Comprends-tu ce que tu lis?
31 Il répondit: Comment le pourrais-je, si quelqu’un ne me guide? Et il invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui.
32 Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci: Il a été mené comme une brebis à la boucherie; Et, comme un agneau muet devant celui qui le tond, Il n’a point ouvert la bouche.
33 Dans son humiliation, son jugement a été levé. Et sa postérité, qui la dépeindra? Car sa vie a été retranchée de la terre.
34 L’eunuque dit à Philippe: Je te prie, de qui le prophète parle-t-il ainsi? Est-ce de lui-même, ou de quelque autre?
35 Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce passage, lui annonça la bonne nouvelle de Jésus.
36 Comme ils continuaient leur chemin, ils rencontrèrent de l’eau. Et l’eunuque dit: Voici de l’eau; qu’est-ce qui empêche que je ne sois baptisé?
37 Philippe dit: Si tu crois de tout ton coeur, cela est possible. L’eunuque répondit: Je crois que Jésus Christ est le Fils de Dieu.
38 Il fit arrêter le char; Philippe et l’eunuque descendirent tous deux dans l’eau, et Philippe baptisa l’eunuque.
39 Quand ils furent sortis de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe, et l’eunuque ne le vit plus. Tandis que, joyeux, il poursuivait sa route.

Luc 24, v.13-35 – Les disciples d’Emmaüs

Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé.
Or, tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas. Jésus leur dit : « De quoi causiez-vous donc, tout en marchant ? » Alors ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, répondit : « Tu es bien le seul, de tous ceux qui étaient à Jérusalem, à ignorer les événements de ces jours-ci. »
Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Les chefs des prêtres et nos dirigeants l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël ! Avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, nous avons été bouleversés par quelques femmes de notre groupe. Elles sont allées au tombeau de très bonne heure, et elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont même venues nous dire qu’elles avaient eu une apparition : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »
Il leur dit alors : « Vous n’avez donc pas compris ! Comme votre coeur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire ! » Et, en partant de Moïse et de tous les prophètes, il leur expliqua, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.
Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.
Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Alors ils se dirent l’un à l’autre : « Notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? »
À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain.

 

Prédication

Il nous arrive de perdre des choses et de ne pas les retrouver !
Ou alors, après les avoir mis en lieu sûr, on ne se souvient plus où exactement.
C’est terrible, surtout lorsqu’il s’agit d’objets de valeurs. Et nous vivons avec cette frustration, cet agacement, et nous cherchons encore au cas où !! et cela peut nous poursuivre longtemps…
Il y a aussi des questions tenaces, comme ce petit garçon qui réveille ses parents en pleine nuit pour leur demander comment les hippopotames font pour se gratter l

Ainsi l’être humain avance, cherche et se pose des questions.
Les deux disciples sur le chemin d’Emmaüs marchent, mais le cœur n’y est pas. Ils sont troublés, tracassé par tous ces évènements qui viennent de se produire. Rien ne se passe comme ils l’avaient envisagé ! Et nous qui espérions qu’il serait le libérateur d’Israël.
Et ils ne sont pas les seuls dans cette situation, puisque l’eunuque lui aussi est bien embêté de ne pas comprendre ces textes qu’il lit en voyage.

J’aime beaucoup cette image des 2 disciples, sur une route où Jésus les rejoint !
La vie chrétienne est un chemin où l’on marche avec certaines indications mais parfois, c’est le brouillard.

Alors, je m’interroge ce matin, comment faisons-nous avec toutes nos questions, nos déceptions, les bouleversements et l’incompréhension ?

Y a-t-il quelqu’un pour nous accompagner ? Osons-nous comme l’eunuque, admettre nos lacunes et demander de l’aide ?
Avons-nous reçu une personne, et reconnu un Philippe envoyé par l’esprit, qui vient nous éclairer dans notre perplexité.
Cette question de l’accompagnement, accompagnement humain et spirituel est bien sûr au cœur des préoccupation des aumôniers.
Mais cela existe depuis longtemps déjà.

L’accompagnement dans l’histoire

La forme la plus ancienne est sans doute celle de la paternité spirituelle. Elle commence avec les Pères du désert dès le 4ème siècle. On pouvait alors aller dans le désert trouver un moine ou un ermite et attendre de lui la parole qui pouvait tout éclairer. « Abba, donne-moi une parole !

Une autre forme est celle que l’on a généralement appelée la direction spirituelle. C’est sans doute dans le catholicisme qu’elle a pris la plus grande place et surtout qu’elle a été approfondie. On trouvera certainement de nombreuses écoles de direction spirituelle. Mais certaines ont profondément marqué et façonné ce que nous appelons aujourd’hui AS. Vous connaissez la tradition ignacienne, celle qui trouve son fondement dans les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. Respect du cheminement de la personne, apprentissage du discernement des traces de Dieu dans notre vie, méditation de l’Écriture… sont autant d’apports de cette tradition.

Les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola

Les Exercices spirituels s’enracinent au cœur de la vie de Ignace de Loyola. Ainsi immobilisé sur son lit par une blessure lors du siège de Pampelune, Ignace alterne lectures pieuses et rêveries chevaleresques. Lorsqu’il s’adonne, faute de mieux, à la lecture d’une vie du Christ et d’un recueil de vies des saints, il lui vient le désir d’imiter ces saints pour la gloire de Dieu. Mais des pensées mondaines se présentent aussi à lui. Il note que ses pensées lui procurent une joie éphémère, mais le laissent sec et mécontent par la suite, alors que les pensées d’exploits pour le Christ le laissent dans la consolation, content et allègre. C’est ainsi que naît l’expérience spirituelle d’Ignace de Loyola. De ces notes sortira le livret des Exercices spirituels, exercices dont le but est d’approfondir sa relation au Christ “afin de mieux l’aimer et de mieux le suivre” (ES, n°104) et de progresser sur le chemin de la liberté intérieure. Dès lors, Ignace ne cessera pas d’affiner ses façons de prier, de méditer, de relire son histoire, afin de mieux ajuster sa vie à la suite joyeuse du Christ.

Thérèse d’Avila et Jean de la Croix. Ces deux géants de la spiritualité ont aussi développé toute une connaissance de l’âme humaine et de son cheminement qui est toujours éclairante aujourd’hui. On connait en particulier les nuits de Jean de la Croix dont la connaissance peut éviter à celui qui accompagne bien des erreurs de jugements.

Lorsque les Églises protestantes ont connu des renouveaux spirituels (ce que l’on appelle les « réveils »), la nécessité de l’AS s’est de nouveau fait sentir. Ce fut le cas, sous une forme ou sous une autre, dans le piétisme allemand suscité par Spener (17ème siècle), le méthodisme de Wesley (18ème) ou, comme nous y faisions allusion précédemment, les renouveaux pentecôtistes ou charismatiques du 20ème siècle.

L’accompagnement spirituel est donc une composante du christianisme.

Il est une possibilité pour sortir de ce qui peut nous enfermer, nous attrister, pour aller vers plus de lumière.

Comme aumônier, j’ai été frappé par certaines rencontre ou par exemple, la personne qui me disait, c’est la première fois que j’ en parle à quelqu’un . ou alors un autre qui me demandait quelques jours avant de mourir, y a-t-il vraiment quelque chose après la mort ?
Ou encore, je n’aurais jamais imaginé que je parlerais de tout cela avec un aumônier !

Nous avons besoin de parler, d’être écouté dans tout ce qui fait l’épaisseur de notre existence. Nous avons besoin dans certains moments d’être accompagné.

Et c’est un principe aussi dans notre église, tout ministère à une équipe d’accompagnement.

La foi est une histoire personnelle. Dans cette aventure spirituelle, il est bon de ne pas rester seul. Car la vie chrétienne est une vie fraternelle. “Un chrétien qui reste seul n’est pas bon signe. Avoir un guide et un compagnon dans cette aventure spirituelle est utile, parfois nécessaire, pour mieux vivre, pour discerner ce qui est bon, pour éviter de prendre de fausses pistes ou de rester dans l’illusion. Trouver un frère ou une sœur qui puisse éclairer ce que nous ressentons est précieux.

Cette relation fraternelle stimule notre réflexion, console, ramène à l’essentiel, ouvre de nouveaux horizons.
Et tout ces aspects nous aident à mieux vivre avec nous même avec les autres et avec Dieu !

Alors c’est quoi l’accompagnement ? Certains en font sans le savoir !
Selon le dictionnaire, accompagner c’est se joindre à quelqu’un / pour aller où il va / en même temps que lui.
Il s’agit d’un mouvement qui se règle à partir de l’autre, pour aller où il va, au même pas ! Il s’agit donc de s’accorder à celui que l’on accompagne, de le rejoindre sur son terrain, avec ce qui l’habite…

L’accompagnement demande cette capacité » à être avec «. Cela suppose de la disponibilité, de la présence, de l’ouverture et de l’attention. Maurice Zundel disait : Rejoindre l’autre n’est possible « qu’en faisant de soi, un espace où l’autre puisse respirer sa vie ».

C’est une considération de l’autre qui lui permet d’être pleinement lui-même, et de se sentir à l’aise, autorisé à parler.
Parler de quoi ? les 2 disciples ont exprimé leur tristesse, leur incompréhension, leur désarroi. L’eunuque lui voulait comprendre le texte biblique.

Mais on peut aussi parler de sa solitude, des choix qui ont orienté l’existence, de combat intérieur avec la culpabilité, de soucis, de peurs, le besoin d’être reconnu, considéré, respecté.
On peut parler de ses joies, ses réussites, de ce qui est important pour soi.

Dans nos 2 lectures d’aujourd’hui, les personnes qui ont bénéficié de l’accompagnement sont reparties joyeuses nous dit le texte !

Ecouter, accompagné est peut-être le plus beau cadeau que nous pouvons faire à quelqu’un ! Permettre à l’autre de retrouver une spiritualité qui renouvelle la vie, qui lui donne de la saveur !

Alors pour terminer je voudrais faire deux remarques :

1) Je pense qu’on a tous besoin d’accompagnement. Ceux qui font cette expérience disent souvent qu’ils regrettent de ne pas l’avoir fait plus tôt. Alors qu’est ce qui nous freine ?
La peur d’être jugé ? ne pas oser parler de certaines choses ? la difficulté de regarder en face ses fragilités, ses limites…ceci m’amène au 2ème point

2) A qui s’adresser pour un accompagnement ? ce peut être un pasteur, un psy mais pas nécessairement.
Ce peut être quelqu’un d’attentif, de discret, dont on pense qu’il est en mesure d’entendre ce que nous voulons lui dire, qui a une connaissance des écritures, qui nous inspire confiance ! Généralement quelqu’un qui a lui-même été accompagné et dont l’humilité vous rassure…

Ma prière, c’est que Jésus vous rejoigne sur votre chemin de vie, qu’il vienne lui même en personne ou qu’il vous envoie un Philippe qui saura répondre à vos questions.
Alors la joie vous habitera…

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