Texte biblique (Traduction la Nouvelle Bible Segond)
Matthieu 3. v.13-17
13 Alors Jésus arrive de Galilée au Jourdain, vers Jean, pour recevoir de lui le baptême. 14 Mais Jean s’y opposait en disant : C’est moi qui ai besoin de recevoir de toi le baptême, et c’est toi qui viens à moi ! 15 Jésus lui répondit : Laisse faire maintenant, car il convient qu’ainsi nous accomplissions toute justice. Alors il le laissa faire. 16 Aussitôt baptisé, Jésus remonta de l’eau. Alors les cieux s’ouvrirent pour lui, il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 17 Et une voix retentit des cieux : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c’est en lui que j’ai pris plaisir.
Prédication
Jean le baptiseur vit au désert. Le texte biblique, qui précède ce que nous avons lu, nous dit qu’il porte un vêtement de poil de chameau, et qu’il mange des criquets et du miel. Jean est au bénéfice de la vie sauvage. Il se contente que ce que la nature lui offre. C’est une vie simple, sans artifice, sans superflu.
Dans ce désert, où le rejoint nombre de personnes, Jean proclame. Il proclame la venue du règne de Dieu qui appelle un changement radical, une conversion, un total retournement intérieur de soi. En grec, une métanoïa, c’est-à-dire un changement à rebours de la pensée, de la manière de voir, du désir ; une autre façon de regarder la vie, le monde, et d’être en relation.
Jean proclame dans le désert, lieu symbolique de la mise à l’épreuve, où on ne trouve habituellement personne, et pourtant sa proclamation attire, interroge. Le désert est le lieu de l’humilité, de la simplicité. Le désert pousse au dépouillement du moi, de l’ego, de ce qui me laisse replié sur moi-même et m’empêche de vivre en relation avec l’autre. L’autre, ce sont ceux qui vivent autour de moi : les proches et ceux que je rencontre. L’autre, c’est aussi Dieu qui vit en moi, mais auquel je peux rester fermé.
En effet, l’intimité n’est pas un gage de relation et de considération. Par exemple, je peux négliger mon corps dans lequel je vis pourtant ; je peux ne pas prendre soin de lui, lui infligeant des excès alimentaires, des excès en alcool, des rudesses physiques par une activité trop intense, trop soutenue, ou par un manque de sommeil, un manque d’hygiène…Jean a choisi le désert et la sobriété pour ouvrir sa relation à soi et aux autres.
Jean baptise, c’est-à-dire plonge dans l’eau. L’eau représente la vie, mais quand l’eau est massive, quand elle nous submerge, elle nous fait peur et évoque la mort. Elle renvoie à la noyade. C’est ce sens de mort qui est convoqué par le baptême. L’eau du baptême noie le péché, c’est-à-dire tout ce qui fait que la vie n’a pas atteint son but, son sens ultime, et que la vie est en quelque sorte ratée. Le baptisé est plongé dans l’eau pour faire mourir ce qui est raté et pour renaître autre, renaître ouvert à la relation à l’autre. Ce n’est plus le moi, l’ego qui dirige l’existence au service de lui-même, c’est le soi tourné vers la relation qui prend le dessus de l’existence.
Alors voici Jésus au bord du Jourdain. Que vient donc faire Jésus dans cette histoire ? Jean se le demande aussi. Le changement radical, la conversion, ce n’est pas pour Jésus qui n’est pas prisonnier de son ego et est pleinement ouvert à l’autre, à Dieu. Jésus vit pour l’autre. Que vient donc faire Jésus ? Jean ne le comprend pas. Il s’oppose au baptême de Jésus, nous dit le texte. Le verbe est à l’imparfait, en grec, ce qui signifie bien qu’il y a blocage chez Jean ; son opposition dure.
Jésus lui demande de laisser accomplir la justice. Jésus nous fait entendre que, par ce rite de conversion, cette plongée de Jésus dans l’eau, Dieu nous ajuste à lui. En effet, en se laissant baptiser par Jean, Jésus accueille notre besoin de conversion. Il nous rejoint dans notre humanité qui a besoin de changer radicalement. Nous sommes appelés par Dieu à nous ouvrir pleinement à l’autre, et nous ratons notre vocation en restant repliés sur notre ego. Jésus endosse ainsi notre échec face à notre vocation à être pleinement en relation à l’autre. C’est ainsi que commence la prédication de Jésus. C’est aussi ainsi que la prédication de Jésus se termine, sur la croix, par le même endossement de l’échec de notre vocation à être pleinement en relation à l’autre.
Chaque fois que Jésus endosse notre échec, Dieu manifeste son approbation en faveur de Jésus : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c’est en lui que j’ai pris plaisir.” Il manifeste du même coup son approbation en notre propre faveur. C’est ce que nous appelons la grâce.
Seigneur, merci de venir nous sauver, non pas dans une posture de surplomb, en bon sauveur condescendant, mais entièrement avec nous, comme l’un de nous, dans la compassion. C’est pour cela que tu nous sauves en vérité et nous relèves. Tu nous tires de l’eau aujourd’hui pour une vie nouvelle. Amen !