24 octobre 2021 – Le cri nouveau du témoignage – Luc 8, v.28-39 – B. Marchand

Texte biblique (Traduction la Nouvelle Bible Segond)

Luc 8, v.26-39

26 Ils abordèrent dans le pays des Géraséniens, qui est en face de la Galilée. 27 Lorsqu’il fut descendu à terre, un homme de la ville, qui avait des démons, vint au-devant de lui. Depuis longtemps il ne portait pas de vêtement et il ne demeurait pas dans une maison, mais dans les tombeaux. 28 Voyant Jésus, il poussa un cri, tomba à ses pieds et dit d’une voix forte : Pourquoi te mêles-tu de mes affaires, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en prie, ne me tourmente pas ! 29 Car Jésus enjoignait à l’esprit impur de sortir de l’homme, dont il s’était emparé depuis longtemps ; on le gardait lié de chaînes, et les fers aux pieds, mais il brisait ses liens et était poussé par le démon dans les déserts. 30 Jésus lui demanda : Quel est ton nom ? – Légion, répondit-il. Car beaucoup de démons étaient entrés en lui. 31 Et ils le suppliaient de ne pas leur ordonner de s’en aller dans l’abîme. 32 Il y avait là un important troupeau de cochons en train de paître sur la montagne. Les démons le supplièrent de leur permettre d’entrer en eux. Il le leur permit. 33 Les démons sortirent de l’homme, entrèrent dans les cochons, et le troupeau se précipita dans le lac du haut de l’escarpement et se noya. 34 Voyant ce qui s’était passé, ceux qui les faisaient paître s’enfuirent et répandirent la nouvelle dans la ville et dans les hameaux. 35 Les gens sortirent pour voir ce qui s’était passé. Ils arrivèrent auprès de Jésus et ils trouvèrent l’homme de qui étaient sortis les démons assis aux pieds de Jésus, vêtu et avec toute sa raison ; et ils eurent peur. 36 Ceux qui avaient vu ce qui s’était passé leur racontèrent comment le démoniaque avait été sauvé. 37 En foule, tous ceux de la région des Géraséniens demandèrent à Jésus de s’éloigner d’eux, car ils étaient en proie à une grande crainte. Il monta dans le bateau et s’en retourna. 38 L’homme de qui étaient sortis les démons le priait de le garder avec lui. Mais il le renvoya en disant : 39 Retourne chez toi et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi. Il s’en alla et proclama par toute la ville tout ce que Jésus avait fait pour lui.

Prédication

Jésus et ses disciples viennent de traverser le lac de Galilée. Ils ont affronté une tempête qui les a mis en danger. Dans cette tourmente, les disciples ont été saisis par la peur : la peur de sombrer : “Nous sommes perdus !”, ont-ils lancé à Jésus qu’ils venaient de réveiller. Puis, cette peur de sombrer a laissé place à une autre peur ; ils ont été effrayés par la puissance de Jésus sur les éléments naturels : “Il commande même aux vents et à l’eau, et ceux-ci lui obéissent.”, se sont-ils dits entre eux. Qui est donc ce Jésus qui paraît si étrange ?

Nous voici avec eux sur l’autre rive du lac, en pays étranger, juste pour quelques moments. Le séjour va y être court ; un homme va en précipiter la fin. Pourquoi donc ce passage en terre étrangère ? La fin du récit nous le dira.

C’est une nouvelle aventure déroutante qui se produit. Un homme vient au-devant de Jésus. En fait, les intentions de cet homme ne sont pas vraiment claires. On peut comprendre soit que cet homme vient à la rencontre pour l’accueillir, soit qu’il vient avec hostilité — le verbe grec comporte un préfixe qui peut porter l’idée d’agir en dessous, sournoisement. Voilà un homme qui appelle donc à la prudence. De plus, il semble bien connu. On sait de lui qu’il a des démons, ne porte pas de vêtement, et vit dans les tombeaux — lieux de mémoire, en grec — comme si cet homme était enfermé dans une mémoire du passé.

Son comportement est étrange face à Jésus. D’abord, l’homme “pousse un cri” ; plus exactement, en grec, il pousse un cri rauque, guttural, qui vient des profondeurs. On pourrait l’entendre comme un cri animal, sauvage, non maîtrisé. Puis l’homme “tomba à ses pieds”, dit le texte. Là aussi, c’est ambigu. Se jette-t-il volontairement aux pieds de Jésus, ou fait-il une chute involontaire devant lui, ou tombe-t-il comme mort devant lui ? Tous ces sens sont possibles, en grec. Est-ce de la volonté de cet homme ou de l’action de Jésus sur lui ?

En effet, Jésus ordonne aux démons de sortir de lui. Il ordonne, au sens d’exiger, mais aussi au sens de ranger, de mettre de l’ordre. Là où la confusion règne, à travers cette légion qui constitue cet homme — s’en est même devenu son nom — Jésus met de l’ordre. C’est l’acte même du créateur, dans le livre biblique de la Genèse. Jésus agit en créateur ; il crée une nouvelle créature en le déliant de son identité passée.

Face à cette puissance créatrice de Jésus, l’homme dit d’une voix forte : “Pourquoi te mêles-tu de mes affaires ?” Il semble exprimer ainsi à la fois de la colère, par son agressivité, et peut-être plus encore de la peur. Il le prie de ne pas le tourmenter, de ne pas le mettre à l’épreuve. La peur, encore la peur, face à Jésus. Non plus : qui est ce Jésus ? — car Légion le sait bien qui il est : le “Fils du Dieu Très-Haut”, comme il le nomme —, mais : quelle est donc cette puissance de Jésus qui affronte la légion, la multitude du chaos ? Cet homme étrange rencontre ce Jésus bien étrange aussi, par sa puissance.

Voilà enfin l’homme sauvé, ayant retrouvé un esprit et un corps sains. De quoi rassurer tout le monde, pourrait-on croire. Eh bien, non ! Les gardiens du troupeau “s’enfuirent”, dit le texte. Les gens des alentours “eurent peur”. “Ils demandèrent à Jésus de s’éloigner d’eux, car ils étaient en proie à une grande crainte.” Ce qui vaut à Jésus et à ses disciples de quitter les lieux.

La peur habite ces récits, alors que Jésus appelle à la confiance par son action créatrice. Il calme la tempête, remet de l’ordre dans le monde par sa parole, sauve ainsi les disciples de la noyade, et sauve cet homme du chaos. La puissance de Dieu est au service de la vie, et uniquement de la vie. Pourquoi la vie provoquerait-elle la peur ? Vivre pleinement et véritablement, libérés de tous les enfermements et les fuites, pour être en relation les uns avec les autres.

La toute fin du récit nous engage bien en retour à être en relation dans le témoignage. Le cri sauvage de l’homme, au début du récit, se transforme en un cri du témoignage, une proclamation de ce que Dieu a fait pour cet homme, de comment Dieu l’a recréé en un nouvel humain libre et vivant. Voilà pourquoi Jésus traverse le lac et passe en terre étrangère. La Bonne Nouvelle traverse les frontières et est donnée à tous. Suivre Jésus, ce n’est pas forcément embarquer avec lui, mais c’est témoigner chez soi, comme dit Jésus, de la puissance de vie que Dieu met en chacun, chacune. Amen !

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